Poèmes d’ératépé

Tôt dans mon RER, un homme au crâne lisse,
Ressemblant au serveur dans le restaurant Klow
Du Sceptre d’Ottokar où Tintin, sans malice,
Va manger du szlaszeck, plat qui se mange chaud.

Je ne l’aurais pas vue, cette exacte réplique,
Si j’avais pris le bus ou même le métro.
Et je l’imaginais au fond de sa boutique,
Versant un verre de szprädj, essuyant le goulot.

Oui! Jusqu’en Syldavie, l’esprit peut voyager
Dans une rame, là, entre Auber et Étoile
Car à cette station, le gars a mis les voiles.

Encore loin de Rueil, où je dois m’arrêter,
Je me souviens alors, que ce restaurant-là,
Fut par Podalydes filmé pour notre joie !

Le 161 pour Gare d’Argenteuil?
Ah! Comme j’aimerais qu’il aille en…Argentine.
Le 258? La Jonchère…Routine…
Rejoins La Jonquera ! Vers l’Espagne, en fauteuil…

Cher 159 pour Cité du Vieux Pont :
Allonge ton trajet et nous mène au Vieux Port!
262? Maisons-Lafitte, encor?
À Chateau Lafite, va donc pour un cruchon!

Le bus A14 vers Mantes nous emmène
Bien qu’elle soit « Jolie », qu’un jour il nous promène :
Ah! la belle Italie…j’irai bien voir Mantoue.

Avec un bus enfin, on va à Bois-Colombes.
Oubliant la raison, on partirait en trombe
Pour l’ancienne Ceylan, à Colombo..et zou !

Pour aller travailler : tout d’abord prendre un bus
Souvent plein car je ne suis pas au terminus.
Et le réseau parfois est grippé : un virus?
D’où l’impression qu’on a qu’il y a un blocus.

C’est rue de Rivoli que je prends le métro
Pas le temps d’un café sur le pouce au bistro
Je me rue sur le quai illico et presto
Mais parfois sur la ligne, il y a de l’embargo

Et voilà La Défense… en baisse de tonus,
À nouveau l’autobus! C’est mon petit bonus!
Je dors debout, je rime ou lis un prospectus
L’attente s’allongeant, y aurait-il un hiatus?

Et voilà tous les jours, pour aller au labo,
Le parcours accompli, yeux rivés au chrono.
Faut pas se relâcher et garder le tempo
Mais souvent tout va bien, et les ennuis… Zéro!

Pour aller travailler : tout d’abord prendre un bus
Souvent plein car je ne suis pas au terminus.
Et le réseau parfois est grippé : un virus?
D’où l’impression qu’on a qu’il y a un blocus.

Poursuivant le trajet, j’atteins le RER
J’évite Châtelet et le prends à Auber
Il y a moins de monde et le quai est super
Mais l’incident technique précipite en enfer

Et voilà La Défense… en baisse de tonus,
À nouveau l’autobus! C’est mon petit bonus!
Je dors debout, je rime ou lis un prospectus
L’attente s’allongeant, y aurait-il un hiatus?

Et voilà tous les jours, pour aller au labo,
Le parcours accompli, yeux rivés au chrono.
Faut pas se relâcher et garder le tempo
Mais souvent tout va bien, et les ennuis..Zéro!

Pour aller travailler : tout d’abord prendre un bus
Souvent plein car je ne suis pas au terminus.
Et le réseau parfois est grippé : un virus?
D’où l’impression qu’on a qu’il y a un blocus.

Fin du premier trajet : j’atteins le RER.
J’évite Châtelet et le prends à Auber ;
La foule est moins compacte et le quai est super
Mais « Incident technique » : et voilà c’est l’enfer!

Ligne A jusqu’à Rueil puis finir pedibus.
Ces vingt minutes à pied, c’est bon dit Diafoirus!
C’est très charmant en mai sous les fleurs des prunus
Mais assez peu plaisant quand crève un cumulus.

Et voilà tous les jours, pour aller au labo,
J’accomplis ce parcours, yeux rivés au chrono.
Faut pas se relâcher et garder le tempo
Mais souvent tout va bien, et les ennuis..Zéro!

Neige sur les voies,
Petits flocons obstinés
Ah! Rentrer chez moi!

(1,3,8,15,24,35,48 soit 140 en comptant les 6 alinéas + exercice de style)

S
Bus
Ce zig !
Long cou, gibus
(Une tresse l’entourant)
A copieuse dispute avec un voyageur
Puis à St-Laz : un ami offrant un bouton en sus.

Ah! Ben ça devenait énervant franchement! Gabriel…homosessuel? Il joggait, knickers larges.
« Métro!!..N’oublie pas que RATP sévit,Tonton. »
Un vieux wagon xylophéné? Youpi,Zazie!

À la Défense, il y a un accordéoniste
Jamais le même ! Il joue des petits morceaux tristes
Qu’on entend en montant avec l’escalator.
Des chansons populos : de l’amour, des remords…
D’où viennent donc ces gars qui jouent comme avant-guerre?
Pour qui ces chansons-là font encor souvenir?
Fugaces fantômes qui passent dans les airs,
D’Arletty, de Gabin tentant de revenir.

C’est lundi soir et tard, je veux rentrer chez moi
Et le bus 21 affiche deux minutes
Chouette ! Rapidement vais rejoindre mon toit!
Je t’attends mon cher bus et l’horizon je scrute.

Sans avertissement, paf!, ça monte à quatorze
21, mon cher bus, pourquoi me fais-tu ça?
Outre qu’il se fait tard, j’ai pas de rime en orze !
Tu gâches ma soirée et mon sonnet… voilà.

En pétard, fatiguée je recherche un taxi
En voilà un?… Mais non !… Si je te dis que si !
Le soir, rue de Tolbiac, aucun taxi ne passe.

Quand soudain devant moi et fier comme Artaban
Voilà mon bus qui file en me laissant en plan !
21, mon amour… Oh ! La vilaine crasse

« Ah ! mon Tonton comme il fait chaud
À Paris dans le beau métro. »
Dirait la Zazie de Queneau,
« Là, j’en ai vraiment plein le dos.
Ralentis ératépiste, oh !
Je vais descendre à Château d’Eau
Me rafraichir dans un bistrot. »

ambiancer/balancer
à tire-larigot/parigot
charivari/safari
faribole/guibole
hurluberlu/merlu
ouf/barouf
s’enlivrer (1)/givrer
timbré/cambré
tohu-bohu/dahu
zigzag/gag

Premier avril, bus S, monte un hurluberlu
Il a un chapeau mou, parle à tire-larigot
Et il a dans son dos accroché un merlu!
Il raconte sa vie d’un accent parigot.
Il dit qu’à Kinshasa, là, on sait ambiancer
Que les dandys sapés font du charivari
Qu’ils savent bien bouger, leurs hanches balancer
Avant que d’emmener des Blancs en safari.
Sur le genou d’un gars en train de s’enlivrer
Il donne sans raison un coup de sa guibole
Les relations entre eux illico vont givrer.
On leur dit « Arrêtez! », « Cessez la faribole! »
L’homme change de place aussitôt sans faire « ouf »
Allant au fond du bus, la démarche en zigzag
Et le calme revient et finit le barouf
Les gens sont soulagés que finisse ce gag!

À Saint-Lazare plus tard, j’ai revu ce timbré
Un ami lui disait en plein tohu-bohu
« Ton bouton recousu, ton dos serait cambré… »
Mais lui délire toujours et parle du dahu !

À Stockolm aura-t-il un prix, Murakami?
Haruki naquit à Tokyo nous dit Wiki.
Prix Gunzo au Japon, son pays il quitta,
Il obtint un boulot : fut prof aux USA,
Traduisit John Irving, fut prix Tanizaki.
Fan absolu du jazz, on dit ça d’Haruki.
Gaz sarin à Tokyo…choc pour Murakami :
Au Japon, s’installa. Fut prix World Fantasy.
1Q84 (Ichi-kyū-hachi-yon),
Son bouquin fut partout, il fit un vrai carton.

Ce matin dans mon bus, il y avait La Joconde !
Si! Je peux l’affirmer : elle était face à moi.
N’allez pas penser que mon esprit vagabonde
Et comprenez un peu quel fut donc mon émoi.

Elle se tenait là assise calmement
Ma parole, tout droit arrivée de son Louvre
Cheveux noirs libérés, visage sans tourment
Bouche assez mince qui très légèrement s’ouvre

Elle avait même pris on peut dire la pose
Ses mains l’une sur l’autre et juste sous ses seins
Assez hiératique, rêveuse ou bien morose?
Indifférente aux gens en tout cas c’est certain.

Pourtant l’arrière-fond ce n’est pas la Toscane!
Mais d’autres voyageurs à l’air plutôt chagrin
Et le décor du bus dont la tristesse émane.
Rien que Vinci eut peint, non vraiment rien de rien.

À Nanterre-La Boule est partie ma Joconde
Et je vis qu’elle portait un vieux jean indigo
À vous je peux confier qu’elle était bien gironde
Ah…on voyage loin grâce au Pass’Navigo !

Ligne 1 au matin tôt, on entend parler russe
Des gars par deux ou trois allant vers leurs chantiers
Cheveux courts, sac au dos, n’ont pas l’air de gugusses
Et on voit à leurs mains qu’ils ont de durs métiers.

Hier encore ces Russes étaient des Soviétiques
Impossible pour eux de partir du pays.
Voilà qu’ils font tourner aujourd’hui nos boutiques
En quittant ce passé qui les a tant trahi.

Quel est ce monde-là, comme disait Gaspard,
Où on doit partir loin pour gagner sa pitance ?
Que du pain et des roses chacun en ait sa part !
Que la vie ne soit pas toujours question de chance !

On peut voir le monde qui se remet en place,
Partant chaque matin au travail assez tôt.
Depuis l’aube chantant- leur seul moment de grâce ! –
C’est l’heure où encore s’entendent les oiseaux.

C’est rue de Rivoli, à l’abri de l’arcade
Que je vois, affairée, repliant son duvet,
La dame qui dort là. « Allez, passez, muscade !  »
Semblent dire ses yeux, le regard aux aguets.

De quoi se plaindre au fait ? Elle a vue sur le Louvre !
Et ce bout de trottoir qu’elle occupe la nuit,
Ces deux mètres-carrés, surface qu’elle couvre,
C’est à vingt mille Euros, au bas mot, qu’est leur prix.

Direction le métro : au coin près de la bouche
Adossé au poteau, se tient un vieux Roumain.
Bravant la météo, figé comme une souche,
Sur ses genoux un chat, il ne tend pas la main.

Il semble minéral. Au bout de quel voyage,
Est-il arrivé là ? Semblant ne pas nous voir,
Les yeux rivés au ciel, y suit-il un nuage ?
Et la journée finie, où va-t-il donc le soir ?

Ah ! peut-on t’oublier…vieille garce, misère.
Tenace en tes œuvres. Merde, quel appétit !
Te verrai-je jamais prête à lâcher l’affaire ?
Tu n’es pas ces temps-ci une gagne-petit.

Établir son trajet, qu’il soit très dynamique,
Serait-ce une science ou bien de l’adaptation ?
Mais c’est sans en douter sport de compétition,
Sport que l’on pratique, Navigo pour viatique.

Un sport de haut niveau au pas de gymnastique :
Avoir capacité pour l’anticipation,
C’est cela que requiert cette navigation :
Rapide à bon escient, l’esprit analytique.

Prendre bien la corde dans un couloir étroit
Peut faire gagner du temps et mener à l’exploit,
Comme atteindre le quai, synchro avec la rame.

Ah ! verrons-nous un jour couronné de laurier
L’usager qui sera arrivé le premier,
Ce dieu qui connaît tout du métro de Paname ?

Voiture qui passe quand je sors de chez moi…
Je croise un peu plus haut la dame au petit chien,
Clope pendant au bec comme toutes les fois.
Le monsieur à l’imper : arrêt du 21.

Dans le bus aujourd’hui, pas d’autres habitués ?
Ni la dame jouant avec sa cigarette,
Ni le gars moustachu qui descend à Cité,
Ni l’homme handicapé qui salue de la tête

Où sont à Saint-Michel, ces deux femmes enjouées ?
Pas de type à casquette montant à Châtelet ?
À Louvre-Rivoli, où sont mes Japonais ?

Rien ne va ce matin où j’avais décidé
Pour vous montrer un peu de vous faire une liste.
Elle ne sera qu’en creux : ça me rend un peu triste.

Nul anathème contre toi, nul laïus
Ne peuvent inverser ce théorème.
Du matin tôt jusqu’à l’angélus,
Ça ne peut pas être un problème,
C’est un point de consensus,
Et j’y tiens mordicus
Même en cas extrême.
Nul anathème !
Car je t’aime
– Et plus !-
Bus

Des fouilles -curieuses, évidemment !- ont été entreprises à la station Louvre-Rivoli. Après avoir dégagé deux couches (marbre de surface, puis mur de moëllons), nos vaillants archéologues ont pu atteindre la couche de carrelage ancien. Des traces d’inscriptions non encore décryptées ainsi qu’un reste de frise ont ainsi pu être mis au jour.

De notre envoyé spécial sur le site, Françoise Guichard.

Il y avait du vent à Louvre-Rivoli
Dans le couloir menant à mon quai de métro.
Souffle fort remontant et cherchant la sortie
Soulevant les cheveux et gonflant les manteaux.

À cette profondeur d’où vient donc cet air-là
Qui cherche à s’échapper s’engouffrant vers la rue ?
Est-il dans une bouche entré à Opéra
Puis se serait alors dans les couloirs perdu ?

Est-ce-qu’il nait au fond de noirs sous-sols glacés ?
Ou d’un lieu infernal là où vont les damnés ?
J’aimerais savoir d’où vient cet air que j’inspire !

Serait-ce pas plutôt en réfléchissant bien
Un mouvement qui nait par vitesse du train ?
Turbulence en folie à trajectoire en spire.

At Louvres-Rivoli there was a wind
as I approached my platform, in the passage:
a rising, hefty gust, that tried to find
the exit. Coats ballooned, hair got the massage.

How did it get down here? That’s quite a hard one.
It tries to fly, to flee! Perhaps it flew
in by some orifice at Covent Garden,
ending up baffled on the Bakerloo.

Born in a frozen subterranean well,
or in some region of the damned in hell?
I wonder where it’s from, this air I’m breathing!

A cause more likely, if I use my brains,
would be the rapid motion of the trains:
mad turbulence, that drives a spiral’s wreathing.

« Veuillez nous excuser si ça crée un problème. »
Lundi, un incident technique, le matin
Interrompt le métro. C’est un moment que j’aime :
Une rame bondée, place assise ?…Tintin !

Ce n’est qu’à Concorde que la foule s’écrème
Et que je peux avoir accès au strapontin.
Je peux m’assoir enfin et me mettre au poème.
C’est notre sort à nous le très menu fretin.

Je paressais au lit à cette heure, dimanche
Voilà que la semaine exige sa revanche.
Ah ! Le brutal retour à la réalité…

Puis dans le bus ensuite, il y eut un contrôle
De voir coincer des gens, ce n’est vraiment pas drôle
Et même s’ils ont tort. Bref, jour à éviter !

Regarder dans le bus les autres passagers
Peut vous occasionner étrange découverte.
Mais l’ imagination doit toujours être alerte
Pour que l’observation vous puissiez l’arranger.

Ainsi donc ce matin j’ai vu un usager :
Sa pose était figée, il se tenait inerte
Tête d’une toque chaudement recouverte
Et on ne voyait pas un de ses traits bouger.

Un Italien c’est sûr avait peint le bonhomme !
L’avais- je vu à Sienne, à Florence ou à Rome ?
Et était-ce un soldat, un pape ou un marchand ?

Traits empâtés, peau blême et la moue qui dédaigne… ?
J’ai retrouvé le nom, j’ai retrouvé le règne !
Un Borgia florentin parti au Vatican.

Deux cent cinquante- huit, gare de la Défense
C’est guerre chaque jour, en zone de non-droit
Et y garder son calme est souvent un exploit.
Les visages fermés, la foule devient dense.

D’être correct ici, la plupart s’en dispense
Car le trajet est long, il faut que l ‘on s’assoit
Ah si je vous disais combien je hais l’endroit
Vouer à un seul sport, celui d’auto-défense.

Quelqu’un passe devant la foule sans émoi
Car l’habitude est prise et ceux-là font la loi.
J’essaye vainement d’ignorer ma colère.

Que dire dans ce lieu d’un laideur sans fond ?
Comment ne pas penser « Ça baisse le plafond
Autant de mocheté. L’humain s’y désespère. »

On fait ce que l’on peut quand on est clandestin
Et dans le RER pour qu’il puisse manger
(Comme il était assez doué pour le dessin)
Albrecht, craies à la main, dessinait l’usager.

Moralité :
Pour faire des portraits, chacun tombait d’accord
Albrecht du RER, il était vraiment fort !

Elle s’accompagnait à la guitare sèche
Chantant en espagnol, une douce chanson
Mélancolique aussi. Sa voix montait en flèche
Vers le toit de béton, me donnant le frisson.

La gare routière qui est plutôt revêche
Avait beaucoup de mal à être au diapason.
Que ne doit- on pas faire en étant dans la dèche ?
Chanter dans un endroit laid comme une prison.

Essayant d’oublier (c’est ce que j’imagine)
La Défense autour d’elle et la foule chagrine
Sortant du RER, passant sans un regard.

Et si tôt le matin, ce peu de poésie
Entendu par ici, est comme une hérésie.
Pourtant, ce fut pour moi le plus doux des égards.

(envoi concours le 6 mars 2015)
140 caractères (espaces compris)

LA BRISE DU MÉTRO
SOUFFLE DE LA FOLIE
EN ARRIVANT AU TROT
SUR LA FILLE JOLIE
ATTENDANT PATIEMMENT
QU’ARRIVE SON AMANT.

Le 18 mars 1662, inauguration du premier transport en commun entre la Porte St Martin et la Porte du Luxembourg. Il s’agit de carrosses publics. Blaise Pascal en est l’instigateur. Cette ligne relie la porte Saint-Antoine au Luxembourg en passant par la rue de la Verrerie, le pont au Change, le pont Neuf et la rue Dauphine.

C’était il y a trois cent cinquante-trois ans
Qu’on créa les transports en commun par carrosse
De Luxembourg à Porte Saint-Antoine allant.
L’Histoire ne nous dit pas s’il était très véloce.
Et qui donc inventa ce moyen de transport ?
Je vous le donne en cent, je vous le donne en mille…
Le fulgurant Pascal : cet homme était très fort
Qui rendit plus aisé de parcourir la ville.
Mon bus vingt-et-un suit pour partie ce trajet
Traversant comme antan la Seine au Pont-au-change.
Rue de la Verrerie alors ça bifurquait
Dans la rue Saint-Antoine, ça trottait dans la fange
Et Porte Saint-Antoine était son terminus,
Pas très loin de Nation…enfin c’est ce qu’il semble.
Ça fonctionnait sans doute entre les angélus
Du matin et du soir, les chevaux allaient l’amble
Avec résolution. Il en coutait cinq sols
À celui ou à celle qui montait en carrosse.
On n’imaginait pas de le faire en sous-sol
Alors que devant vous trottait la pauvre rosse.

La station George V, sur le quai de la une
M’a offert une vue qui m’a rendue fort aise
Sur les panneaux de pub plus d’affiche importune
Mais des reproductions du peintre Velasquez.

Traduit par Timothy Ades ! J

George the Fifth station platform, on Line One:
on the pub notice-boards, no more obnoxious
images, but instead a lot more fun:
relaxing reproductions of Velásquez !

Le matin, à nouveau, c’est la nuit quand je pars
À cette heure dans Paris, un oiseau s’égosille
Encore et les livreurs font leur boulot, peinards
Avec en fonds sonore sa triomphante trille.

Un bus quatre-vingt-onze atteint le Boulevard
Puis, en pétaradant continue vers Bastille.
L’ odeur de levure monte par le regard
De la boulangerie et les passants, titille.

L’ancien bougnat monte tout grinçant son rideau
De fer puis d’un bon coup de balai, à grande eau,
Il chasse les mégots collés devant sa porte.

Et profitant qu’il pleut, il sort ses deux ficus.
Un matin comme un autre en attendant le bus
Où ce petit train-train (pourquoi ? ) me réconforte.

Des affiches posées à Louvre-Rivoli
De la rénovation nous dévoilent la face.
On mettra des statues- de simples simili-
Qui, de la majesté, donneront à la place.

Les murs sont préparés, l’ancien fut démoli
On a vu du passé apparaitre la trace
Qui sous l’épaisse couche avait atteint l’oubli.
Nous aurons une Victoire de Samothrace !

Elle ne sera pas en marbre de Paros
Mais aura de la vraie le sens du pathos
Qui ragaillardira l’usager peu véloce.

Les ailes déployées, la poitrine en avant
Mais les rames passant à leur rythme éprouvant.
Ne lui donneront, c’est sûr, mal de tête atroce !

Une femme en foulard, béquille et djellaba
Tend la main aux passants près du kiosque à journaux
Une affiche en vitrine, un titre en quelques mots,
C’est « La vie est facile, ne t’inquiète pas ».

La Défense a parfois des moments comme ça
L’atmosphère soudain à couper au couteau
Pour que vous sentiez ça, mieux serait la photo,
Quant à moi, voyez-vous, ils m’en tombent les bras.

Écrire à notre époque un livre avec ce titre !
(Ah laisse donc l’auteur être le seul arbitre.)
Mais choisir La Défense pour sa promotion !

Dans ce lieu sans pitié où l’on croise l’angoisse
Chaque jour pour certains de tomber dans la poisse.
Et faut-il y subir de plus la dérision ?

Pendant plus d’une année, tous les jours je l’ai vu
Devenu familier, changeant très peu de place
Qu’il fasse très chaud ou même par temps de glace
Imperturbablement, l’endroit lui était dû.

Sur ses genoux dormait un petit chien sans grâce
Il croisait les mains sur le corps chaud et poilu
Et quel que soit le temps, portait un pardessus
Vraiment bien étriqué pour sa forte carcasse.

De trois mètres au plus, il bougea son grand corps
De rue du Louvre au coin vers l’escalier, au bord,
Menant à la station desservant la ligne une.

Tous les jours de semaine on se disait bonjour
Probable qu’il n’avait nul titre de séjour.
Il a disparu ne laissant de trace aucune…

Ce matin dans le bus où je monte à sept heures,
À moitié réveillée, endormie à moitié,
Les passagers se sont trouvés mis en demeure
Par le chauffeur, d’entrer dans son intimité.

Car le gars téléphone à sa blonde qui pleure
Poussant le haut- parleur à volume élevé !
« Elle voudrait le beurre avec l’argent du beurre »
(Pour faire court) dit-il « mais ça ne peut durer  »

Nous voilà conviés à la scène de ménage,
On voudrait être loin du piteux déballage.
On toussote gênés levant les yeux au ciel.

Elle sort le grand jeu, lui distant, hiératique
Fait durer le plaisir, il a de la technique !
On eut aimé que ça reste confidentiel.

Le gars faisant la manche à Louvre-Rivoli
Dont la disparition m’avait fait de la peine
Le voilà aujourd’hui en ce lieu rétablit.
Qui sait ce qui causa son absence soudaine ?

Dis-moi où tes chemins t’ont-ils mené…Ah, Rom !

Le sort des habitués de la ératépé
Est régi par des lois semblant bien arbitraires
Et qui sans prévenir, l’usager vont frapper
En allongeant souvent son long itinéraire.

Quand nous sommes soudain dans les ennuis happés
Que nous ne savons plus comment gérer l’affaire
À qui donc devons-nous notre rictus crispé ?
De la ératépé qui est dieu tutélaire ?

Cette divinité, je vous en dis le nom
Terrible et impatient, c’est  » La Régulation  » !
Tremblez quand l’entendez, ça se paye en fatigue.

Car soudain vous ratez deux bus se suivant
Dès le matin, très tôt ou on vous laisse en plan
À mi- trajet, vaincu, las comme un pauvre zigue.

La qualité de l’air du métro est bien piètre
Mais dans le RER, cela ne vaut pas mieux.
Les particules, là, ont un faible diamètre
Et cette pollution a de quoi rendre anxieux.

Franklin-Roosevelt, Auber partout ça pénètre
Châtelet aussi, y passer est dangereux.
Même plus qu’au dehors, cette poussière traitre
Envahit nos poumons, usagers malchanceux !

La cause n’en est pas à ce jour établie
Est- ce du freinage que vient l’anomalie ?
Ou des travaux en cours pour embellissement ?

Chaque jour, nos trajets augmentent notre dose.
La vie dans le métro n’est vraiment pas en rose
Et tout ça est inclus dans notre abonnement !

Ah chère ératépé, combien de vigilance
Pour déjouer tes pièges mis sur mon chemin !
Faut rester dans le coup, ne pas perdre la main
Et ne jamais être en état de somnolence.

Sept heures du matin, gare de la Défense…
Tassée au terminus au décor inhumain,
Attendant le bus : hier, aujourd’hui et demain
Notre petite foule poirote en silence.

Quand soudain devant nous, on voit passer le bus
Qui ne s’arrête pas ! Quel est l’olibrius
Qui conduit cet engin et qui, là, nous oublie ?

Il stoppe un peu plus loin (par chance il y a le feu !)
Revient en marche arrière et nous fait un aveu :
 » J’ai oublié l’arrêt… ». Petit coup de folie ?

J’ai depuis deux mois d’un poil changé mon trajet
Changement marginal….c’est ce que l’on peut croire :
C’est à Palais-Royal que je prends sans déboire
La une qui de mon attention est l’objet.

À Louvre-Rivoli, avant ça, je plongeai
En descendant du bus à l’aube encore noire.
Si petit changement fait-il donc une histoire ?
Y-a-t-il vraiment à un poème, sujet ?

Mais oui car à nouveau je revois sous l’arcade
Les gens qui couchent là, étant dans la panade
Et le groupe qui dort sur la bouche à chaleur.

Ils ont changé depuis le temps de la maraude
Qu’on faisait par ici, portant la soupe chaude.
Les années dans la rue n’ont pas même valeur.

À cinq heures quarante déjà, pauvre ville,
L’air que je respire a une odeur de diesel
Qu’a laissé en passant la vieille automobile.
Cet hiver, nos trottoirs n’ont pas connu le sel.

J’attends le vingt-et-un et (oh ! Que c’est futile!)
Confirme le constat devenu habituel,
Que dans neuf cas sur dix, au feu, il faut qu’il pile.
Ce calcul est pour moi devenu un rituel.

Faire avec ça un sonnet dépourvu de grâce,
Vous penserez qu’il vaudrait mieux que je m’en passe !
Pourtant ainsi j’oublie ce trajet bien trop long.

Occupée à compter les pieds, chercher la rime
Par la vertu des mots-je trouve ça sublime-
J’arrive à la fin de ma triste migration.

C’est, nous dit la Régie, l’incident historique,
La panne d’exception, l’accident centennal,
Celui qui aux probabilités fait la nique
Le truc qui vaut un article dans le journal.

Cinq heures vendredi, la panne électronique
Coupa sur la ligne une le moindre signal,
Laissant l’usager en situation critique
Quand de sa semaine il voyait le point final.

Au milieu des tunnels furent coincées les rames
Ainsi que les portes à quai. Ce fut un drame
Pour sortir les voyageurs de ce cauchemar.

Dire que cet été on rénova la ligne !
L’état de nos transports en commun n’est pas digne.
Chance ! J’étais chez moi et lisais un polar !

Vous ai- je jamais dit quel nom à La Défense
Fut donné sans vergogne à la gare des bus ?
« Terminal Jules Verne »…oui ! L’écrivain immense
Fut choisi pour nommer ce triste terminus.

On cherche la raison qui lui vaut cette offense.
« Les Indes noires » furent peut-être l’opus
Qui inspira ce choix ? Le côté « déshérence » ?
Ou bien certains matins  » Les forceurs de blocus  » ?

« Deux ans de vacances  » , ce serait moquerie
Car le lieu certains jours a tout de l’écurie :
Poubelles dégueulant d’emballages MacDo.

Pas « Les tribulations… » ou « L’île mystérieuse »…
Non, c’est vraiment en vain que ma tête je creuse
Pour expliquer qu’à Verne, on mit ça sur le dos.

À La Défense on a de doux moments de grâce.
J’allais donc ce matin le hall traversant
Prenant l’escalator menant à cet espace
Nommé gare routière où son bus on attend.

C’est là que m’a cueilli comme un cadeau fugace
Le son de la guitare qu’on entend rarement
Par une musicienne d’une grande race
Dont j’ai déjà parlé il y a quelques temps.

Un moment de bonheur dans cet endroit si triste
On ne le boude pas ! J’ai salué l’artiste
D’un don insignifiant pour le plaisir donné.

Je lui ai dit :  » Merci ! C’est mon anniversaire ! »
J’ai repris plus légère mon itinéraire
Au son d’Happy Birthday pour moi seule joué.

Depuis cette rentrée, gare de la Défense,
Quelque chose ne cesse pas de m’intriguer
Et jetée dans une perplexité intense
Tout mon trajet en bus passe à épiloguer.

Je vous conte l’affaire : à plusieurs mieux on pense.
Devant la pharmacie, se trouve rassemblé
Un groupe de chinois, petite troupe dense,
Attendant quelque chose, hommes, femmes mêlés.

Mais le plus surprenant je ne vous l’ai pas dit :
Alignés avec soin, tout un rang de caddys
Garés à côté d’eux, vides à ce qu’il semble.

C’est encore très tôt, et je ne comprends pas
Ce qu’ils font tous les jours. Que se passe-t-ils là ?
À La Défense, enfin, qu’est-ce-qui les rassemble ?

« Attention ! au mois d’août en raison de travaux
Aucun train ne circule entre Auber-La Défense »
Point besoin de l’annonce, entrant dans le métro,
Pour me le rappeler car la foule est très dense.

Puis l’anglais, l’allemand suivent en sforzando.
Italien, japonais pour notre pénitence.
Tout le long du trajet, en boucle, le micro
Polyglotte et disert, nous l’assène en cadence.

Pitié ! c’est assez dur d’être déjà si tôt
Comme un tas de sardines au fond d’un cargo !
Laissez-nous, s’il-vous-plait, voyager en silence !

À sept heures du mat, le touriste au dodo
Ne peut, RATP, écouter tes doux mots
Dont tu peux sans problème arrêter la nuisance.

C’est un jour de chaleur. Partant travailler tôt,
Je trouve La Défense en état somnambule
Car sans faire aucun bruit et à pas machinaux
Plus que jamais chacun marche dans une bulle

La paupière est bien lourde et le teint bien pâlot
Je ne suis pas seule à craindre la canicule
Quand on doit s’entasser nombreux dans le métro
Quand il n’y a plus un souffle d’air qui circule.

Je pense avec ennui au mois d ‘août qui vient
Le RER fermé (il en a bien besoin !)
Pour qu’on change ses rails trop longtemps obsolètes.

Espérons que les gens prendront là leurs congés
Et qu’il n’y aura pas grande foule à gérer
Car nous ne serions pas dans la une à la fête !

Haut de l’escalator, gare de La Défense
Je relève la tête et j’ai le nez collé
À un petit feuillet vert comme l’espérance
« La parole de Dieu ! » me clame un gars figé.

Dieu fait donc son marché recherchant les souffrances
C’est l’ endroit où croiser bien des désespérés.
La femme racontant combien elle est en transe
Le chômage guettant, seule avec son bébé.

Le sans-papier syrien vendant des téléphones,
Le fou largué ici qui tout le jour chantonne,
Russes loin de chez eux allant vers un chantier.

Voici les charognards donc qui poussent la porte !
Les dieux qu’on peut prier car cela réconforte
Sont partout où l’humain sans avenir perd pied.

Sur la ératépé, j’ai eu grande victoire
Je vais vous raconter cette affaire en détail :
J’attends mon dernier bus me menant au travail
Le deux cent cinquante-huit, un emmerdeur notoire.

Dix minutes, l’écran annonce à l’auditoire !
Je commence à bouillir attendant sur ce mail
Car hormis le retard, tassés tel du bétail
On fera le trajet vers mon laboratoire.

Je m’adresse au chauffeur avec vivacité
Au nom des passagers qui n’ont pas mérité
Ça, si tôt le matin. Je lui dis ma colère.

Puis en cours de trajet, il reçoit un avis
D’abréger son parcours. Aussitôt je rugis !
Le chauffeur répondit : « C’est trop impopulaire ! »

La Défense au matin a parfois des surprises
Rachetant un moment la laideur de l’endroit,
Le fait de se sentir en zone de non-droit
En faisant le trajet qui mène à l’entreprise.

Dénouant la tension, vous faisant lâcher prise,
L’escalator montant, la musique s’accroit
Puis se réverbérant sur les hautes parois
Sur ce lieu de passage, affirme son emprise.

Ce matin, voyez- vous, c’est vers l’altiplano
Qu’un joueur de quena avec une sono
M’emmena traversant d’un bond le vaste espace.

Les herbes se couchant sous le vent toujours là.
Le ciel sans oxygène au soleil plein d’éclat
Où un condor chassant fait sans fin du surplace.

Lorsqu’il faisait très froid, où trouvait un refuge
L’usager attendant par un jour froid son bus ?
Sous un abri qui le cachait aux cumulus.
C’était un temps béni à panneau hydrofuge !

Ce souci du confort, je vous en laisse juge,
Est révolu pour nous. Qui pense à nos sinus ?
Qui sait que désormais nous crachons nos mucus
Sous un truc imparfait, sorte de subterfuge !

Car Decaux a changé des abris le dessin
Où sont donc ceux qui nous accueillaient dans leur sein ?
Dans l’édicule, au coin, il n’y a plus de vitre…

À nous la pluie qui coule et le froid courant d’air !
Ah maudit designer manquant par trop de flair,
Viens dessous par grand-froid ou quand il pleut, bélître !

Sortant du Muséum qui célébrait Buffon
Au cours de la journée dite du Patrimoine
La Seine, j’approchais par le trajet idoine
Vers la Maison de la Radio, là-bas au fond.

Or la ératépé, l’attention me confond !
Avait mis dans les rues et pas pour de l’avoine
Un bus ancien (évitant la rue Saint-Antoine)
Sorti du lieu où d’ordinaire il se morfond.

Ce n’est pas le bus des exercices de style
Où sur la plateforme un grand gars se faufile
Avec son cou trop long et son bouton pendant.

Mais le quatre-vingt quatre où la foule s’entasse :
C’est un vieux bus fumant manquant un peu de grâce
Et j’aurais bien aimé pouvoir monter dedans !

À bord du vingt-et-un je montais sans délai
Je partais quelques jours, j’allais donc à la gare
Mais en quittant l’arrêt Port-Royal-Berthollet
Du fond du bus elle se pointe dare-dare,

Comme un joueur de tennis montant au filet,
Réalisant maintenant que le bus démarre
Qu’elle avait oublié de demander l’arrêt !
S’en prenant au chauffeur, fait tout un tintamarre.

Insouciante et comptant sur d’autres passagers
Elle avait fait fi des règles de l’usager :
Il faut te bouger pour obtenir l’ouverture !

Voici donc, amis, la parabole du bus
Si tu veux à Le Pen vraiment faire blocus
Aux autres t’en remettre, est tenter l’aventure !

Un changement de bus, un changement d’horaire
Et c’est un nouveau monde étalé sous vos yeux.
Deux cent cinquante-huit, je t’ai fait mes adieux,
Il y a un an que je me suis fait la paire.

Depuis tout a changé : c’est plutôt pour me plaire !
D’abord, changer de vie, ce fut changer de lieu
J’ai découvert Ivry, je colle sous ses cieux
J’y vais en suivant un nouvel itinéraire.

C’est le bus cent vingt-cinq qui me mène à bon port.
À onze heures, la femme au foyer est dehors
Achetant ce qu’il faut pour remplir tant de ventres !

Et portant de gros sacs, trainant de lourds caddys,
Chargée comme un baudet, lundi ou vendredi,
Dans le bus cent vingt cinq, c’est la femme le centre.